Ichiba Daisuke
Daisuke Ichiba, né en 1963, est un artiste autodidacte qui revendique son indépendance vis-à-vis des écoles d'art, considérant qu'elles imposent des contraintes aux individus. Imprégné par diverses influences culturelles, il puise son inspiration dans des expériences marquantes de son enfance, notamment les funérailles de sa mère et les rencontres fortuites avec des cadavres d'animaux en décomposition lors de promenades dans la campagne et la montagne. C'est de là que provient sa fascination pour la peinture bouddhiste "Kusôzu", qui exprime la vanité et la fragilité de l'existence humaine, des thèmes récurrents dans son travail artistique.
À partir de la fin des années 1980, Ichiba développe son art à Tokyo dans une pratique underground et DIY (Do It Yourself), axée sur le dessin et l'autopublication d'ouvrages graphiques, évoluant en marge des institutions muséales et éditoriales. Il crée ainsi en toute liberté, sans se soumettre aux contraintes esthétiques et professionnelles imposées par les institutions. Son travail s'inscrit dans la lignée du courant heta-uma, initié par Teruhiko Yumura, qui prônait la spontanéité d'une "maladresse virtuose". Ichiba développe un style singulier, qu'il qualifie lui-même de "nandemo ari" ("ouvert à toute possibilité"), mêlant réalisme, abstraction, motifs répétitifs, bande dessinée et dessins enfantins, qu'il équilibre grâce à son sens esthétique personnel.
Dans ses différentes pratiques artistiques, telles que la réalisation de livres, le dessin, la peinture, le collage, la photographie, la vidéo, la musique et la performance, Ichiba cherche à équilibrer des éléments disparates pour parvenir à une harmonie qui ne nie pas les différences et les tensions, intensifiant ainsi la puissance suggestive de ses images. Il considère que les choses forment des paires ou des ensembles et ne se satisfait pas tant qu'il n'a pas intégré toutes leurs composantes dans un même plan. Il cherche à créer une harmonie de divers états humains, tels que la douceur, la violence, la beauté, la laideur, le mignon et le bouffon, à partir du "chaos", qu'il définit comme un espace où tout se mêle et fusionne, sa principale source d'inspiration.
Le monde inquiétant et fascinant d'Ichiba, bien que parfois flirtant avec les codes de l'ero-guro, genre artistique japonais combinant des éléments érotiques, macabres et grotesques, transcende ces catégories pour créer son propre "chaosmos". Son univers est peuplé de jeunes filles élancées, de militaires ridicules mais tyranniques, de monstres polymorphes revisitant l'univers des yôkai, le tout dans des architectures instables et des milieux naturels déchaînés. Sa quête d'harmonie à partir de disparités indépassables est celle d'un maître en l'art subtil d'équilibrer les dissonances.