MUTTATIS MUTTANDIS
Du 28 novembre 2019 au 11 janvier 2020
BOITES-COLLAGES-ASSEMBLAGES
Muttatis Muttandis


FABLE DE LA FONTAINE

En 1917, l’Ame?rique venait d’entrer en guerre contre l’Allemagne, une noble cigogne germanique des plus excentriques ou e?tait-ce une grue, souvent arre?te?e pour s’e?tre baigne?e dans les fontaines publiques, cre?a un canular pour canuler* l’art de ces ma?les de la Socie?te? des artistes inde?pendants de New-York.
Elle envoya au salon un urinoir qu’elle signa R.Mutt. Elle n’envoya pas un bidet, destine? a? l’origine aux ablutions intimes dans les maisons closes. Elle n’envoya pas une cuvette de WC ouverte a? tous les sexes.Non, elle fit venir de Philadelphie un urinoir lie? a? la verge du ma?le. L’urinoir fut refuse? et ne fut expose?.
Un fin renard matine? d’un beau cochon s’appropria l’objet dard. La muttation et la mise au ge?nie ope?re?rent. L’objet fut consacre? et, dans consacre?, il y a sacre?.
La fable pour l’oiseau rare n’est pas rrose. « C’est la vie » diront certains. Mais toute fable a une morale : la femme-fontaine n’a qu’un nom ! « Dada Baroness» !
Et dans l’histoire, l’histoire de l’art l’a dans les fesses !

24 de?cembre 2018


Canuler : importuner
Mutatis Mutandis : loc. Adv. (mot lat., en changeant ce qui doit e?tre change?. En faisant les changements ne?cessaires).


BARONNE AU LIT

La baronne au lit dort nue. En re?ve elle caresse sa queue comme un gros pinceau avec lequel elle peint. La baronne ne peint point avec une queue d’a?ne (la baronne au lit n’est pas Boronali1), elle peint un bidet avec sa queue de cheval sur les toiles de ses draps.
Si Dada Baroness 2 re?ve qu’elle peint un cheval avec ses cheveux, c’est que la baronne se rase, se rase, se rase au lit, se rase le cuir chevelu.
La baronne rase aussi ses poils pubiens3. Elle se rase, rase parce qu’elle s’ennuie et cent nuits c’est long, et sans nuit on perd la boule, surtout la boule a? ze?ro.
22 de?cembre 2018 au re?veil
1. Boronali e?tait Lolo, l’a?ne du pe?re Fre?de?, proprie?taire du Lapin agile. La queue de l’animal avait peint le tableau « Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique » qui fit scandale en 1910. L’a?ne se me?tamorphosa en peintre Joachim-Raphae?l Boronali, anagramme d’Aliboron...
2. La baronne Elsa Hildegarde Von Freytag-Loringhoven e?tait surnomme?e Dada Baroness dans le New-York d’avant-garde. Ses excentricite?s (robes couvertes de cuille?res, cra?ne rase?, le?vres noires, timbres colle?s sur les joues...) e?taient ce?le?bres. Elle collectionnait les chiens errants. Sa fontaine devait d’ailleurs e?tre expose?e la? ou? de?filaient les chiens de The Wesminter Kennel Club Dog Show. Mutt en anglais signifie Ba?tard, cabot (de races me?le?es) mais aussi cul. Dans l’un de ses poe?mes elle appelle Marcel Duchamp dont elle e?tait follement amoureuse « mon cul ». R. Mutt, « armutt » prononce? en allemand signifie mise?rable, pauvre d’esprit. Bien su?r Mutt fait aussi penser a? mutter, sa me?re qui mourra des suites de la syphilis dont elle souffrira e?galement, maladie peut-e?tre transmise par un pe?re abusif.
3. Marcel Duchamp et Man Ray re?alise?rent le film La baronne rase ses poils pubiens, un film aujourd’hui disparu.




Dans une lettre rendue publique en 1983, Marcel Duchamp e?crit a? sa sœur : «raconte ce de?tail a? la famille : les inde?pendants sont ouverts ici avec gros succe?s. Une de mes amies sous un pseudonyme masculin, Richard Mutt, avait envoye? une pissotie?re en porcelaine comme sculpture. Ce n’e?tait pas inde?cent, aucune raison de la refuser... »
Marcel Duchamp disait de «Dada Baroness» : La baronne n’est pas futuriste. Elle est le futur. 102 ans plus tard, il est temps de fe?ter l’originalite? de cette artiste vogelfrei, exceptionnellement hors la loi. Une partie de l’exposition Muttatis Muttandis e?voque la richesse de sa personnalite?. Le jour est venu de rendre a? Elsa ce qui appartenait a? Marcel.

Lou Dubois29
Lou Dubois
France
1955
Surréalisme
Entomologiste mésestimé, atteint de calembourite aiguë et incurable, le petit Lou Dubois est allé voir ailleurs. Poète, artiste, il ouvre des mondes d’une infinie vastitude dans des cabinets de curiosité compressés.
Le collage, c’est d’abord le découpage. Montées comme des films, les images basculent dans le grand vide et subissent des commentaires vertement sentis. Il vous plie L’autre et amont en un parapluie, une machine à coudre, un écorché et quelques verres.
Il fait montre d’un érotisme discret et courtois mais juge mal les belles-mères, les affublant de crucifix turgescents et de saucisses pendantes. Les cerveaux sont occupés par des objets inappropriés. Erudit mélancolique, il amuse et émeut de ses brillantes sotties. Mais le pire c’est qu’il découpe les enfants pour en faire des images.
Redevenu sérieux, il contribuait à feue la revue Supérieur inconnu, et expose à la galerie des Yeux fertiles.



Jöelle Busca