BERNARD SABY : LAVIS D'ENCRE
March 9th - April 7th 2018
Par Marc Kober
BERNARD SABY,
DU MONDE DES VITESSES ET DES LENTEURS AUX NŒUDS DE VERTIGE

« Un jour, dans mes tableaux s’est mise à apparaître une profondeur, et je me suis enfoncé, je me suis lancé à corps perdu dans son exploration. » J’aimerais reprendre cette belle citation placée en exergue d’un texte de Xavier-Gilles Néret . Parce que justement, ces lavis qui sont présentés aujourd’hui, en 2018, n’ont pas de profondeur, mais une horizontalité plane. Ils ne constituent pas un nœud de Moebius, pas de volte-face, ni de nœud biface, pas de recto-verso, mais une surface d’une seule face, sinueuse qui impose son rythme, épousant le geste calligraphique, le temps que le support soit remplacé par un autre support. Le nœud biface rappelle cet outil de la préhistoire, la pierre biface, première technologie polyvalente, occasion de tirer un tranchant courbe et parfait depuis l’éclatement des structures du silex. Bernard Saby nous convie à regarder ces lavis avec un œil chargé de toute une préhistoire de l’histoire de la peinture d’aujourd’hui. Ou bien différentes médiations nous conduisent à regarder comme tel ce qui n’était, comme l’œuvre entière sans doute, qu’un exercice mental d’ordre strictement privé, une œuvre personnelle et intime, secrète donc, inviolable et à préserver de la profanation publique. Ce sont des traces et des signatures. Des signatures extrême-orientales d’un peintre injustement méconnu : Est privilégié ici la sensualité du tracé, la trace, la mémoire, la trace mnésique d’un geste fort, mais évanoui, ou évanescent. Donc, c’est une exploration plutôt plane, pour explorer les virtualités de la surface et non plus une connaissance par les gouffres, projet au fond ancien, baudelairien, romantique, celui du « côtoyeur d’abîmes » (Patrick Waldberg ).
Bernard Saby20
Bernard Saby
France
1925 - 1975
Bernard Saby (1925-1975) est un peintre et dessinateur français. Après avoir étudié dans sa jeunesse la composition musicale auprès de René Leibowitz, il développa une abstraction singulière et suggestive, nourrie non seulement par ses recherches dans le domaine de la musique sérielle, mais aussi par son expérience des drogues, mescaline ou haschich notamment, ou encore par son étude approfondie des lichens et des textes chinois anciens.

Henri Michaux a publié en 1956, dans Misérable Miracle, un texte de Bernard Saby décrivant son expérience de la mescaline : L’image privilégiée.

Selon Patrick Waldberg, "Bernard Saby [était] sans doute, de sa génération, le plus intrépide côtoyeur d'abîmes." 1 Selon Jean-Jacques Lebel : "Mort jeune, Bernard Saby n'avait pas d'âge. Sa singularité absolue le plaçait au-dessus de la mêlée." 2 Pierre Boulez, son condisciple chez Leibowitz, affirme "qu'on peut voir la personnalité de créateur de Saby comme écartelée entre les forces d'irrationalité auxquelles il estimait indispensable de s'abandonner et le besoin de les ordonner selon une logique avouée et contrôlée." 3

Le Musée d'art moderne de la ville de Paris lui a consacré une rétrospective en 1986, et expose des tableaux de Saby dans ses collections permanentes. Il est aussi présent dans les collections du Musée national d'art moderne, Centre Pompidou.